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Innovation
02/04/2019

Richard Browning, l’inventeur du Jet Suit

Avril 2017, sur un parking de San Mateo, l’une des grandes banlieues de San Francisco en Californie. Alan Draper, gestionnaire en capital risque est assis à côté de son père Tim. Ce dernier est un investisseur averti qui a eu le flair de miser très tôt sur des boites comme Tesla, Skype et Twitch. Il est aussi considéré comme un des inventeurs du marketing viral, au début de la création d’Hotmail. Et il avait également fait les gros titres en étant le meilleur enchérisseur lors d’une vente aux enchères de Bitcoin des Marshals (l’agence de police du gouvernement fédéral des États-Unis) sur le marché en ligne de Silk Road. Chez les Drapers, on aime les gros paris et les histoires de super-héros. Les murs des bureaux de la société sont ainsi recouverts de peintures hautes de trois étages des personnages de DC Comics (une des principales maisons d’édition américaines de comics). Et en point d’orgue de ce tableau qui sent bon l’Amérique, la devise de l’entreprise est "Tous les super-héros ne portent pas de capes".

Ce jour d’avril 2017, 150 des plus grandes sociétés de capital-risque de la Silicon Valley ont été invitées à découvrir un nouvel investissement potentiellement très lucratif. Devant eux se tient un inventeur britannique muni d’un sac à dos étrange relié à une série de cartouches qu'il fixe à ses avant-bras et à ses mollets. À y regarder de plus près, l’attirail loufoque semble en réalité particulièrement bien fini. Son inventeur est le Britannique Richard Browning, et il présente ce jour-là officiellement son Jet Suit.

Browning enfile sa combinaison en silence et fini par bafouiller quelques mots : "Ne vous inquiétez pas, il se met simplement en route" explique-t-il aux investisseurs jusque-là plutôt sceptiques devant le "spectacle". Debout, les jambes écartées et les bras dirigés ver le bas, Browning va alors commencer son show.

Le pilote et inventeur britannique Richard Browing dans sa combinaison Jetpack inspiré d'Iron Man.

Avec un son qui va crescendo et devient rapidement assourdissant, obligeant le public à se boucher les oreilles, l’accoutrement de Browning se met alors à crasher du feu sous ses moteurs à réaction placés sur les bras et les jambes. L’effet est saisissant. Alors qu’une sorte de flamme entoure son corps, Browning se soulève du sol à un mètre de hauteur et se met à voler au-dessus du parking. Le vol n’est pas long mais a suffit à balayer les doutes de l’assistance.

"J'étais terrifié à l’idée de tomber et de détruire mon équipement" se souvient Browning. "Je devais l’utiliser pour une autre démonstration lors d'une conférence TED aux côtés d'Elon Musk et du pape."

"30 secondes plus tard, le père et le fils Drapers étaient à côté de moi et m’ont dit : « C’est la chose la plus insensée que nous ayons jamais vue. Vous avez matérialisé l’esprit des super-héros que nous souhaitons voir jaillir de toutes les start-up. Nous voulons absolument être impliqués dans votre projet. Pour pas un demi-million de dollars pour 10% des parts de votre société ? » J’ai répondu : Que diriez-vous de 650 000 dollars ? Et nous nous sommes mis d’accord sur cette somme."

Voler, faire de l'ingénierie, développer de la puissance, tout ça est dans mon sangRichard Browning

"Alors que mes moteurs fonctionnaient toujours sur leur cycle de refroidissement, nous avons signé un accord sur le dos d’un billet de 100 dollars. Je n'avais créé la société que six semaines plus tôt." Un an auparavant, aucun plan de cette combinaison à réaction n’avaient encore vu le jour.

Browning a toujours été passionné de vol. "Mon père était un ingénieur aéronautique et un inventeur. Mon grand-père était un pilote et un instructeur pendant la guerre", précise-t-il. "Mon autre grand-père était président du conseil de Westland Helicopters (un constructeur aérospatial britannique). Voler, faire de l'ingénierie, développer de la puissance, tout ça est dans mon sang."

À l'âge de 18 ans, Browning poursuit la tradition familiale en intégrant une école d’ingénieur. "Mais j'y ai rapidement perdu tout intérêt", admet-il. "C'était du calcul et toujours du calcul. Il n’y avait jamais rien de pratique. Je me suis tourné alors vers la géologie." Une voie qui le mène tout droit vers le géant pétrolier BP. "J’ai fait mon trou dans cette société en développant un système de suivi de fret. Tout le monde pensait que c’était une blague mais je suis parvenu à en faire un prototype et finalement à le mettre en place. Cela a changé la façon de faire de l’industrie à l’international et ça a surtout permis de créer des milliards de dollars."

Là où d’autres auraient pu profiter de leur gloire, Browning ne s’est pas reposé sur ses lauriers. "J'ai rejoint la réserve des Royal Marines et, en deux ans, j'ai eu mon béret vert." L’homme a également acquis à l’armée une nouvelle raison d'être.

Je me suis servi ce rêve de toujours de pouvoir se libérer de la gravité.Richard Browning

"Les Marines vous obligent physiquement et mentalement à aller plus loin que vous ne l'auriez jamais imaginé" ajoute celui qui est âgé aujourd’hui de 40 ans. Homme de défi, Browning s’est ensuite engagé sur des ultramarathons et s’est mis à la callisthénie, une méthode globale visant à l'amélioration des capacités physiques et de l'esthétique du corps.

"Je suis devenu plus fit et plus puissant. Je peux aujourd’hui supporter mon poids dans des positions assez dingues comme la planche ou en drapeau" explique-t-il. "Je me suis dit : Comment faire pour tenter la même chose en l’air. On le sait, les humains sont trop lourds et pas assez puissants se propulser en l’air en battant rapidement leur bras en l’air. Mais si on ajoute de la puissance à l’homme, on peut dépasser les limites et nos capacités de base. Je me suis servi ce rêve de toujours de pouvoir se libérer de la gravité."

 

L'inventeur anglais Richard Browning essaie son jetpack inspiré d'iron man dans son hangar.

 

Le vol autonome a toujours fait rêver l’homme. Du mythe grec d’Icare se rapprochant trop près du soleil à Iron Man dans l’univers de Marvel, nous avons toujours voulu pouvoir voler seul de façon indépendante. C’est en 1919 que des premiers propulseurs individuels ont été conçus. Il s’agissait alors d’un système de fusée à oxygène et méthane conçu par l'inventeur russe Aleksandr Andreyev. Si le principe de l’engin a été breveté, il n’a jamais été construit.

Au cours des cent dernières années, d’autres ont tenté d’atteindre le ciel, avec des résultats mitigés. Les nazis ont par exemple développé le "Himmelstürmer flight pack" basé sur le système de propulsion de leur bombe volante V-1. Après la seconde Guerre mondiale, le scientifique allemand Wernher von Braun a fait défection aux États-Unis et a mis au point une sorte de «gilet à réaction» pour l’armée. En 1961, Bell Aéronautique réalisa le premier vol libre de sa "rocket belt" (ceinture fusée), envoyant en l’air l’ingénieur Harold Graham sur une distance de 35 m à 1,2 mètre du sol mais pendant 13 secondes seulement. C’est ce fameux jet pack qui fut utilisé lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Los Angeles en 1984 et sur le tournage d’"Opération Tonnerre", film de James Bond en en 1965.

Je vois ce qui a été fait et je me demande si je peux faire mieux. Puis-je le réinventer ?Richard Browning

Les problèmes liés à ces réacteurs et à la plupart des autres réacteurs sont à peu près toujours les mêmes : le ratio carburant/poids ne leur permet de voler que quelques secondes à la fois et leur lourdeur les rend extrêmement difficiles à stabiliser. Là où d'autres ont vu des obstacles, Browning a vu une opportunité.

"Je regarde ce que quelqu'un a fait et je me demande si je peux faire mieux. Puis-je le réinventer ? Mon plan était de voler en réduisant au maximum le poids. Si j’étais capable de soutenir mon poids en faisant une planche lors d’un exercice de musculation, que se passerait-il si je m’ajoutais des ailes pour créer la même force ? J'ai alors commencé à construire de grandes ailes pliables, mais l'armée développait quelque chose de similaire au même moment pour les drones. Sachant que je ne pouvais pas participer à ce programme, je suis revenu au concept d’ajouter de la puissance.

Le fondateur de Gravity Industries, Richard Browning travaille sur sa combinaison volante.

Historiquement, ce que nous appelons le jet pack est en réalité une sorte de "pack de fusées": le carburant (souvent de l'hydrogène) réagit chimiquement avec un agent oxydant, provoquant une explosion de gaz chaud, semblable à ce qui se produit pour une fusée. "Il y a eu de grosses avancées dans les micro-turbines à gaz puissantes" ajoute Browning. "En fait, il s’agissait d’un projet scientifique qui permettait, grâce à un contrôle par ordinateur du système de démarrage, de passer de 20 minutes à 90 secondes le temps nécessaire pour chauffer les moteurs."

Les turbines utilisée par Browning correspondent en fait à des réacteurs d'avion miniaturisés, développant chacun 22 kg de poussée à une température de 700 degrés Celsius. "Sachant que chaque réacteur pèse 1,9 kg, il offre donc un rapport poids-puissance énorme" s’enthousiasme-t-il. "J’ai fait le calcul. Grâce à mon entraînement physique, je suis plutôt léger. Je savais que j’avais donc assez de puissance sur le papier pour me faire décoller. Mais je ne savais pas si je devais placer mes réacteurs sur mes bras, mes épaules ou mes jambes. Pour dire vrai, j’étais constamment dans le doute. Si un entrepreneur vous raconte un jour qu’il savait que son idée irait au bout, c’est des conneries. Si c’était le cas, quelqu’un l’aurait fait depuis longtemps."

 

 

 

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